Mis à jour le
23/5/2025
Lignes épurées, béton mis en vedette : le brutalisme a ses codes. Style a priori sans concessions, il peut pourtant être facilement adopté dans nos habitats, en touches ou en total look. Mode d’emploi et revue de détail ci-dessous. Par Claire STEVENS.
Radical ascendant dépouillé, le brutalisme semble de prime abord peu adapté à un foyer où l’on recherche avant tout confort et chaleur. A la mode depuis la sortie du film “The Brutalist“, il y a quelques mois, ce style ne serait pas adapté aux intérieurs petits et urbains… Difficile quand on dispose de peu de mètres carrés d’y faire l’éloge du vide. Difficile d’habiter dans tant d’austérité, aussi, jugent certains. A cela près que décliné dans nos lieux de vie, le brutalisme perd de son aura muséale, pour devenir convivial et cosy. Pour mieux coller à ses grands principes, on respecte à la lettre certains principes absolus (aucun motif ni surcharge visuelle, aucun élément parasite ou superflu)… On mise en plus sur du mobilier aux lignes sobres, graphiques, accompagné de pièces totémiques (voir aussi nos leçons 6 et 7 ci-dessous).
Deuxième bonne nouvelle : s’il magnifie les espaces très verticaux, le brutalisme peut s’inviter dans des habitats récents (donc dotés d’une faible hauteur sous plafond) comme dans un appartement ancien. Dans un cas comme dans l’autre, on utilisera du mobilier bas qui agrandira visuellement l’espace en descendant la ligne d’horizon. Celui comme « coulé » dans son environnement – plan de travail en béton brut ou ciré, îlot de cuisine ou bibliothèque enchâssés dans les murs ou le plancher – donnera une sensation de fusion avec l’espace environnant. L’escalier ou les poutres structurelles métalliques, les murs mis à nu sont aussi à mettre en valeur.
Pour éviter l’effet « page blanche », terne et sans intérêt, privilégiez les matériaux qui accrochent l’œil. L’acier, le béton, le marbre s’associeront aux peintures à la chaux, à l’inox, aux blocs de verre sur lesquels le regard s’attardera… Tout comme sur les aspérités d’un plâtre posé grossièrement, à la taloche, ou d’un mur de brique partiellement décapé. Les surfaces en miroir feront rebondir la lumière. Les essences de bois nobles comme le manguier ou le chêne (utilisés en tables basses, fauteuils) réchaufferont instantanément l’ensemble ; la céramique de collectivité ou le bejmat affirmeront encore le propos. Le résultat final doit être organique, tactile. Plein d’esprit.
On peut aussi casser un certain rigorisme en intégrant courbes, textiles réconfortants ou accessoires qui auront un effet apaisant. Velours lisse, laine bouclette, lin réchaufferont et adouciront la pièce. Des éclairages LED orangés intégrés le long des murs ou dans les menuiseries tamisant la lumière sont également à prévoir. Aux angles droits et à l’esthétique au cordeau, on opposera la courbe d’un fauteuil tout en rondeur, la richesse d’une teinte profonde (émeraude, piment, or), ou encore des pieds de meubles massifs et arrondis.
Fortement influencé par le modernisme, l’architectemexicain n’aura pas hésité à intégrer des teintes explosives dans ses plus célèbresconstructions : béton jaune soleil, rose fuschia, mandarine… Un paradoxe entrematière et couleur qui fait toujours sens aujourd’hui. Dansune version apaisée, mais tout aussi pertinente, les nuances de terre cuite,les bleus profonds ou les kakis dialogueront parfaitement avec le minéral du bétonbrutaliste. A privilégier également, en « toile de fond »:les blancs chauds qui adoucissent l’atmosphère ou les teintes sable rosé.
Tables basses en travertin, chaises compas, bout de canapé comme taillé dans un billot de bois sont également des incontournables du lexique brutaliste. Faciles à chiner, on les trouve dans les bonnes brocantes, ou en trois clics de souris sur le site de Selency. Les esthètes choisiront pour leur part d’investir dans des meuble millésimés – copies ou originaux de Charlotte Perriand, de Marcel Breuer ou de Pierre Jeanneret – ou design… Ou encore de casser leur tire lire dans des pièces coûteuses mais tellement surprenantes, comme cette chaise de cambrure de The Oblist, « statement piece » proche de l’œuvre d’art.
Dans le même esprit, on complète le look sans faire cliché avec quelques pièces simples qui apportent piquant et poésie. A collectionner, ou à planter tel un intrus dans une ambiance plus classique : ils pimentent le décor dans un cas comme dans l’autre. Lampe ou coupe en papier mâché, patère en béton se font alors totems. Ils témoignent, associés à un décor moins radical, de votre volonté de casser les codes… Dans les deux cas, c’est un investissement qu’on ne regrette pas.
Ici également, les matériaux doivent être choisis avec précaution– moins pour éviter la surcharge que les mauvaises associations. L’inox, de nouveau en grâce dans les intérieurs privatifs comme notre projet Marceau est recommandé. Le verre fluté ou le pavé de verre, qui font également un come-back remarqué, sont d’autres alliés de taille du style brutaliste. Plan de travail en béton ciré et peintures à la chaux deviennent pour leur part des incontournables : le premier anoblira une cuisine à laquelle on demande de plus en plus souvent de remplir les fonctions de pièce de réception; la seconde offrira une touche tactile et sensuelle appréciée. On leur allie une crédence en miroir. Audace ultime : conserver les gaines d’extraction (ventilation, chauffage) à même la vue.
On n’a pas tous la chance de vivre dans un habitat orienté plein sud. Dès lors, on prendra soin de sélectionner des textures et couleurs qui font visuellement grimper la température de quelques degrés : couleurs chaudes, fibres naturelles – comme le rotin ou le cannage – deviennent de parfaits alliés, au même titre que la poterie ou la céramique artisanale. Le bois a ici encore son mot à dire, décliné en portes de placards, de dressings, en enfilades scandinaves ou mid-century… Dans les chambres – où le style brutaliste peut aussi se lover – investissez dans des rideaux épais et des draps dignes d’un palace. Placez photos encadrées et objets personnels sur une tête de lit surmesure. La sensation de confort doit dominer.