Mis à jour le
12/12/2025
La firme américaine crée la surprise en élisant un blanc comme couleur fétiche de l’année à venir… Étrange paradoxe qu’incarne cette nuance, aussi radicale que complexe. Décryptage. Par Claire STEVENS.
Une teinte onirique, quasi surnaturelle. Après Mocha Mousse, couleur totémique de 2025, Pantone prend à nouveau tout le monde de court en jetant son dévolu sur un blanc irisé, presque « licorne », qui vient remplacer le brun doudou et régressif des douze mois passés. Doit-on parler de rupture ? Oui et non. Car si Cloud Dancer se situe à l’opposé du spectre chromatique de son prédécesseur gourmand, l’un comme l’autre portent la même promesse : offrir confort et sérénité. Pour Leatrice Eiseman, directrice exécutive du Pantone Color Institute, ce blanc virginal est même « symbole de simplification – une promesse de clarté dans un monde saturé de bruit et de contradictions. » À charge donc à Cloud Dancer d’alléger notre charge mentale… mais aussi d’ouvrir nos chakras.
Pour mieux justifier son choix, Pantone assimile également Cloud Dancer à une page blanche, une base neutre qui symboliserait un “reset” permettant de se réinventer. Problème : à une époque économiquement instable, peut-on vraiment faire table rase de tout ce qu’on a patiemment assemblé des mois, voire des années durant, pour constituer son patrimoine déco ? L’injonction du « repartir de zéro » s’accorde mal aux principes d’une époque qui nous encourage à vivre « slow »… et dans laquelle « surconsommation » est devenu un gros mot.
De prime abord, Cloud Dancer peut donc décontenancer. Il a peu à voir avec les blancs chauds, méditerranéens, plébiscités ces dernières années. Bonne nouvelle néanmoins : sa neutralité lui permet de s’harmoniser avec mobilier, textiles ou objets déjà présents. Tout au plus faudra-t-il en remiser certains pour coller à l’épure imposée par ce ton qui ne fait pas dans le compromis. Pantone insiste d’ailleurs, dans ses communiqués, sur le fait que 11-4201 (son nom de code) n’est pas « une nuance clinique ou technique. Cloud Dancer doit d’abord être perçu comme un blanc noble… » Également symbole de zénitude.
En clair, Cloud Dancer est une couleur « écrin », aussi inspiratrice que bienfaitrice, parfaite pour aller de l’avant et sublimer nos envies. Futuriste, holistique, elle incarne le bien-être à grande échelle, la lumière au fond du tunnel d’une période chaotique…À elle, conséquemment, de trouver les solutions aux maux du moment.
Preuve que la métaphore salvatrice peut être filée, les tendanceurs lui associent déjà nuances et matières résolument tournées vers l’avenir : pastels d’un nouveau genre, textiles durables, revêtements régénératifs ou upcyclés… Autant d’éléments avec lesquels composer une nouvelle grammaire déco.
Minimaliste, Cloud Dancer fera le maximum d’effet associé à ce que Pantone nomme les « pastels poudrés » : des teintes douces, presque diaphanes, qui évoquent l’aurore — roses très clairs, gris doux, bleu ciel ou citrons givrés, pour un résultat stratosphérique. La marque propose également l’association avec une déclinaison plus franche et pigmentée de ces mêmes tons (bleu orage, gris profond, améthyste), qui donnera davantage de caractère à l’ensemble.
Pour réchauffer encore, on misera sur le bois blond, les teintes caramel à l’automne, le marbre ou le granit richement teinté et veiné, pour un effet coup de fouet.
À bannir : les contrastes trop forts, qui rafraîchiront immédiatement l’atmosphère.
Le noir est à utiliser avec modération, les teintes froides très pigmentées à proscrire.
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Pour un mariage parfait, on jette son dévolu sur la laine bouclette, le mohair, ou les tissages confortables durant les mois de grand froid. Crème ou blanc cassé, les textures mousseuses ou à relief réchauffent dès le premier coup d’œil. Bien imitées et choisies dans des teintes naturelles, les fausses fourrures feront également grimper d’un cran le thermomètre visuel. L’été, le lin brut ou ajouré prendra le relais. Délaissé ces dernières années, le liège ressortira du bois. Pour mieux souffler le chaud et le froid, on lui associera de l’inox brossé. Les tissus biosourcés (à base d’algues, de champignons), les matériaux et fibres issus du recyclage auront aussi la cote. Tous offriront une connexion directe avec la nature, tout en cassant l’aspect technoïde de la teinte. Le béton brut, la pierre, le métal brossé renforceront encore sa pureté implicite. Toute forme de déco design est bienvenue, au même titre que l’éclat du miroir. Enfin, ce blanc mettra parfaitement en valeur moulures et boiseries ouvragées — lesquelles, en retour, lui offriront volume et cachet. Pantone l’explique encore : Cloud Dancer doit d’abord servir de toile de fond aux formes, aux lignes et aux textures.
Reste à composer avec l’écueil inhérent à toute « couleur de l’année » : l’emballement collectif qui retombe aussitôt qu’il est né. En total look, ce blanc « visionnaire » n’est peut-être pas compatible avec votre quotidien… Ou l’orientation de votre habitat. Dans une pièce exposée nord, ou nord-est, il peut vite s’avérer glacial. Appliqué sans discernement, ce blanc charismatique perdra de sa magie. Adoptez la couleur, pas la tendance sur un mur-écrin, plutôt qu’en total look, en l’associant à vos matériaux de prédilection, à votre rythme. Cloud Dancer devient alors moins une injonction qu’un outil incontournable — celui qui éclaire, apaise et accompagne. C’est ainsi qu’il passe du statut de phénomène à celui d’allié.
